Le nouveau code de la pêche adopté à l’unanimité par le CNT

La ministre de la Pêche et de l’Economie Maritime Fatima Camara était face aux conseillers du Conseil National de Transition (CNT) cette semaine pour défendre le projet du Code de la Pêche Maritime. Le projet a finalement été adopté à l’unanimité.
Suite à une brillante démonstration pour défendre ce projet, Fatim Camara a été soutenu par les conseillers qui ont validé à l’unanimité. Pour connaître la portée de ce projet, on vous laisse lire le discours.
Discours
Monsieur le Président du Conseil National de la Transition,
Honorables Conseillers Nationaux,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude pour l’attention que vous portez au projet de révision du Code de la Pêche Maritime, un texte essentiel pour l’avenir de nos ressources halieutiques et de notre économie maritime. C’est avec un profond sens du devoir et une vive conscience de l’urgence que je me tiens aujourd’hui devant votre auguste assemblée.
La Guinée est une nation bénie par la nature, avec 320 kilomètres de côtes ouvrant sur l’océan Atlantique et une Zone Économique Exclusive riche en poissons et en fruits de mer. Notre secteur des pêches occupe une place vitale dans la vie de nos concitoyens et dans l’économie nationale. Chaque année, nos eaux fournissent plus de 330 000 tonnes de poissons, crustacés et autres produits halieutiques, qui contribuent de manière décisive à la sécurité alimentaire du pays. Le poisson demeure l’une des principales sources de protéines pour nos populations et assure près de 40 % des apports en protéines animales de nos ménages. La pêche et les activités qui y sont liées font vivre directement ou indirectement près de 400 000 Guinéennes et Guinéens : qu’il s’agisse des pêcheurs eux-mêmes, des mareyeuses, des fumeuses de poisson, des transporteurs ou des vendeuses sur nos marchés, c’est toute une chaîne humaine qui dépend de la mer. Par son importance sociale et économique, la pêche contribue de façon significative à notre Produit Intérieur Brut ; on estime qu’elle représente jusqu’à 6 % du PIB de la Guinée et génère des revenus précieux à l’exportation. En effet, nos produits halieutiques, qu’ils proviennent de la pêche artisanale côtière ou de la pêche industrielle au large, s’exportent vers divers marchés internationaux, assurant des rentrées de devises et améliorant notre balance commerciale.
Pourtant, malgré ce tableau prometteur, nous devons regarder la réalité en face : les défis auxquels fait face notre secteur halieutique sont immenses. Notre ancien Code de la Pêche Maritime, initialement adopté en 1995 puis timidement révisé en 2015, n’est plus adapté aux réalités actuelles. La population guinéenne a crû, la demande en poisson a augmenté, et la pression sur les stocks est devenue critique. Nos eaux, autrefois abondantes, sont aujourd’hui exposées à la surpêche et à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), qui menacent la durabilité de nos ressources et privent l’État ainsi que les communautés de revenus légitimes. Nous constatons avec préoccupation que, sur près d’une centaine de navires de pêche opérant dans notre Zone Économique Exclusive en 2023, seule une poignée battent pavillon guinéen, tandis que la majorité relève de flottes étrangères. Ce déséquilibre, aggravé par les pratiques illégales de certains bateaux qui pillent nos eaux la nuit ou contournent les contrôles, met en péril notre souveraineté alimentaire et la survie de nos pêcheurs artisans. Par ailleurs, des conflits d’usage se sont multipliés entre pêcheurs artisanaux et industriels, ou même au sein de la pêche artisanale elle-même face à la raréfaction de la ressource. Il était de notre devoir de réagir, de renforcer la gouvernance du secteur et de protéger nos ressources maritimes pour les générations futures.
C’est dans ce contexte qu’est née une volonté politique forte, impulsée par Son Excellence Monsieur le Président de la Républiquele General Mamadi Doumbouya et soutenue par Monsieur le Premier Ministre, chef du Gouvernement Amadou Oury BAH de doter la Guinée d’un nouveau Code de la Pêche Maritime moderne, ambitieux et conforme aux meilleurs standards internationaux. Le projet de Code que nous présentons aujourd’hui est le fruit d’un travail acharné et d’une vision partagée : celle d’une pêche guinéenne durable, équitable et prospère. Permettez-moi d’en souligner les avancées majeures et les innovations juridiques.
D’abord, ce projet de Code établit un régime clair et rigoureux d’autorisations, de licences et de permis de pêche, applicable à la fois aux navires nationaux et étrangers. Plus aucune embarcation ne pourra exploiter nos ressources sans un titre dûment délivré, attribué dans la transparence et selon des critères précis. Les procédures d’octroi de licences seront désormais centralisées et numériséesgrâce à un guichet unique digital, afin d’éviter les lenteurs administratives et de prévenir tout risque de corruption. Chaque navire, chaque pirogue enregistrée fera l’objet d’un suivi administratif rigoureux, depuis la demande de licence jusqu’à la déclaration des captures.
Ensuite, le nouveau Code renforce puissamment les mesures de contrôle, de surveillance et de suivi des activités de pêche. Il consacre la mise en place d’un système intégré de surveillance halieutique, s’appuyant sur des technologies modernes de traçabilitéet de suivi satellitaire des navires. Nos inspecteurs et nos observateurs en mer verront leur rôle consolidé par un cadre juridique qui définit clairement leurs compétences et prérogatives. Désormais, tout débarquement de poisson devra être déclaré et contrôlé, garantissant une traçabilité complète “du filet à l’assiette”. Cette traçabilité n’est pas qu’un terme technique : elle signifie que nous pourrons mieux lutter contre la pêche INN en identifiant l’origine de chaque capture, et assurer aux consommateurs guinéens comme aux partenaires étrangers que les produits de la mer de Guinée sont pêchés légalement, dans le respect des normes. Les structures compétentes en charge de la Surveillance et de Protection des Pêches verront leurs capacités renforcées pour détecter en temps réel toute intrusion illégale dans nos eaux et alerter les forces navales pour intervenir sans délai.
Une avancée cruciale de la réforme est la reconnaissance et la protection de la pêche artisanale. Nos braves pêcheurs artisanaux, qui fournissent près de 80 % de la production halieutique nationale, auront enfin toute leur place dans le Code. Le texte révisé consacre des zones de pêche réservées à la pêche artisanale, à l’abri des intrusions des grands chalutiers industriels. Il prévoit des mesures spécifiques de soutien à cette pêche côtière si essentielle à nos communautés : facilitation de l’enregistrement des pirogues, encadrement technique, amélioration de l’accès aux infrastructures de débarquement et aux marchés. En affirmant les droits des pêcheurs artisanaux, nous promouvons en même temps une justice sociale et territoriale : aucune communauté de pêcheurs – du littoral de Boké aux îles de Loos – ne doit être laissée pour compte dans le développement de ce secteur.
Le nouveau Code durcit également le régime des infractions et des sanctions afin de rendre la loi véritablement dissuasive. Désormais, toute violation des règles – qu’il s’agisse de pêche sans licence, de non-respect des mailles de filet, de pêche en zone interdite ou de fausse déclaration de captures – exposera ses auteurs à des sanctions exemplaires. Des amendes lourdes, pouvant atteindre des montants sans précédent dans notre législation, et des peines allant jusqu’au retrait définitif de la licence ainsi que la saisie des équipements, sont prévues. Nous disons clairement que les eaux guinéennes ne seront plus livrées impunément aux pilleurs de nos ressources. Cette fermeté répond à la vision de l’État : tolérance zéro envers la pêche INN et toute forme de fraude dans ce secteur vital. En parallèle, le Code introduit des normes strictes en matière de qualité sanitaire pour les produits de la pêche. Il s’agit de protéger la santé de nos populations tout en satisfaisant aux exigences des marchés extérieurs. Les conditions de conservation, de transport et de transformation du poisson seront réglementées selon les standards internationaux, afin que le “poisson de Guinée” soit synonyme de qualité, de salubrité et de confiance, aussi bien sur nos marchés locaux que sur les étals du monde.
Mesdames et Messieurs,
Il importe de souligner que la démarche ayant conduit à ce projet de loi a été résolument inclusive et participative. Conscient que les meilleures politiques se construisent avec ceux qui les vivent au quotidien, le Gouvernement a initié un vaste processus de concertation nationale autour de la réforme du Code de la Pêche. Des ateliers et tables rondes ont réuni l’ensemble des acteurs concernés : les pêcheurs artisanaux de nos littoraux, les armateurs de la pêche industrielle et semi-industrielle, les femmes transformatrices et exportatrices de produits halieutiques, les organisations professionnelles, les ONG de protection du milieu marin, ainsi que les experts de l’administration et de la recherche halieutique. Ces assises nationales de la pêche ont permis de diagnostiquer sans complaisance les maux dont souffre le secteur et de recueillir les recommandations émanant du terrain. Chaque article du nouveau Code a été mûri à la lumière des contributions de ces acteurs de proximité. Je pense, par exemple, aux pêcheurs de Boulbinet et de Kassa qui ont fait entendre leur voix sur la nécessité de mieux protéger les zones de frai, ou aux femmes fumeuses de poisson de Kamsar qui ont insisté sur l’importance d’infrastructures de conservation. Nous avons écouté, nous avons entendu. Mieux, nous avons également bénéficié de l’appui de nos partenaires techniques et financiers, qui ont apporté leur expertise pour aligner ce Code sur les standards internationaux. Qu’il s’agisse de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, de l’Union Européenne, de la Banque Mondiale ou d’autres alliés du développement, tous ont accompagné la Guinée dans cette démarche, sans jamais rien imposer, et dans le respect de nos priorités souveraines. Ce projet de Code est donc le reflet d’un consensus national et d’une coopération fructueuse : il appartient à chacun d’entre nous, et il engage l’image de la Guinée sur la scène internationale.
Honorables Conseillers Nationaux,
Les bénéfices attendus de cette réforme sont considérables et multiformes. D’abord, sur le plan de la souveraineté alimentaire, adopter ce nouveau Code, c’est nous donner les moyens de nourrir dignement notre population avec nos propres ressources. Une meilleure gestion de nos pêches permettra d’augmenter les débarquements destinés aux marchés locaux, de réduire notre dépendance vis-à-vis des importations de poisson congelé, et de garantir des prix abordables pour nos concitoyens.
Ensuite, sur le plan écologique et économique, ce Code est l’instrument de la durabilité : il vise à reconstituer et à préserver nos stocks halieutiques pour que la pêche guinéenne puisse continuer à prospérer dans dix, vingt, cinquante ans. En cela, nous léguons à nos enfants un patrimoine marin protégé plutôt qu’épuisé. Sur le plan de la compétitivité et de la croissance, les nouvelles dispositions de traçabilité, de contrôle de qualité et de modernisation du secteur feront gagner en productivité et en valeur ajoutée l’ensemble de la filière. Nos opérateurs économiques pourront conquérir de nouveaux débouchés, forts de respecter des normes mondialement reconnues. D’ailleurs, la modernisation des infrastructures halieutiques est déjà en marche : cinq nouveaux débarcadères ainsi qu’un grand marché aux poissons ont récemment été construits – notamment à Kamsar – afin d’améliorer les conditions de travail des pêcheurs et des commerçantes; et deux entrepôts frigorifiques d’une capacité de 250 tonnes chacun ont été installés à Kankan et à Nzérékoré pour renforcer la conservation et la distribution du poisson jusqu’à l’intérieur du pays. Les investissements privés dans le secteur, de leur côté, seront encouragés par l’existence d’un cadre légal stable, clair et équitable.
Par ailleurs, cette réforme profitera directement aux communautés côtières : c’est la prospérité locale que nous visons. Des communautés de pêcheurs plus résilientes et mieux équipées, ce sont davantage de revenus pour les familles, plus d’emplois pour la jeunesse sur nos littoraux, et in fine un développement local renforcé dans les régions maritimes. J’insiste également sur la justice socialeau cœur de cette réforme : en protégeant les petits pêcheurs contre la concurrence déloyale et en luttant contre la corruption, nous veillons à ce que les richesses de la mer profitent d’abord aux fils et aux filles de la nation qui en dépendent pour vivre, plutôt qu’à quelques intérêts particuliers.
Enfin, sur le plan diplomatique, l’adoption du nouveau Code de la Pêche fera honneur à la Guinée et confortera sa crédibilité internationale. En dotant notre pays d’une législation halieutique conforme à ses engagements internationaux et aux meilleures pratiques mondiales, nous envoyons un signal fort à nos voisins et partenaires : la Guinée est et demeure un État responsable, engagé pour la protection des océans, et prêt à coopérer activement en faveur de la sécurité maritime dans notre sous-région. Notre pays en tirera un surcroît de respectabilité et d’influence positive sur la scène africaine et mondiale.
Monsieur le Président,
Honorables Conseillers Nationaux,
En votant en faveur de ce projet de Code de la Pêche Maritime, vous vous apprêtez à écrire une page historique pour notre nation. Vous allez doter la Guinée d’un outil juridique puissant qui changera le destin de milliers de familles et garantira l’avenir de nos ressources halieutiques. Ce Code révisé n’est pas une simple mise à jour technique : c’est le pacte d’un peuple avec son océan, un engagement solennel à mieux gérer un don de Dieu qui nous est cher. Il concrétise la vision de Son Excellence le Général Mamadi Doumbouya, Président de la République, et de Monsieur Amadou Oury Bah, Premier Ministre, Chef du Gouvernement, qui ont fait de la protection de nos ressources et du bien-être de nos populations une priorité absolue. Sous leur leadership éclairé, nous avons pu mener à bien ce processus ambitieux et inclusif. Il nous appartient maintenant, ensemble, de parachever ce processus par l’adoption de ce projet de loi historique.
Je vous exhorte donc, honorables membres du CNT, à apporter votre appui enthousiaste à cette réforme salutaire. En la votant, vous répondrez aux aspirations de nos compatriotes pêcheurs, vous protégerez les assiettes de nos familles et vous renforcerez la souveraineté de la Guinée sur ses richesses maritimes. Le peuple tout entier nous observe et attend de nous cette décision courageuse, qui ouvrira une ère nouvelle pour la pêche guinéenne.
Sur ce, je réitère la profonde reconnaissance du Gouvernement envers Son Excellence Monsieur le Président de la République et Monsieur le Premier Ministre pour leur confiance et leur appui constants tout au long de ce chantier de réforme. Permettez-moi enfin de vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que chacun des honorables membres de ce Conseil, pour votre sens du devoir et l’attention bienveillante que vous avez accordée à mes propos.
Vive la pêche guinéenne durable et prospère ! Vive la République de Guinée !
Je vous remercie de votre aimable attention.
La rédaction